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LES CHAPELLES SIXTINES DES PYRÉNÉES

Jacques Brau, Éditions Monhélios

La route des églises peintes

En parcourant les hautes vallées de l’ancien diocèse de Comminges (Aure, Louron, Larboust ...), on rencontre de nombreuses églises d’origine romane édifiées entre les 11e et 12e siècles. Initialement à nef unique et abside semi-circulaire, de petites dimensions, elles furent agrandies du 14e au 17e siècle Ces modifications s’accompagnèrent de travaux de décoration intérieure sous la forme de peintures monumentales. La plupart des peintures murales visibles aujourd’hui datent des 15e et 16e siècles.

Décorer, instruire, émouvoir

L’imagerie est présente dans la vie des hommes depuis la Préhistoire. Les Romains ont adopté en grande partie la peinture de la Grèce antique en s’inspirant de ses modèles et de ses techniques.
En 730, Constantinople est le théâtre de ce que l’on appelle « la crise iconoclaste » qui oppose les empereurs byzantins iconoclastes aux patriarches de l’Église byzantine. Le culte des icônes condamné, la destruction systématique des images représentant le Christ, la Vierge ou les saints, qu’il s’agisse de mosaïques ornant les murs des églises, d’images peintes ou d’enluminures de livres, est ordonnée. Elle s’achève en 843 avec la réunion, par l’impératrice Théodora, d’un second synode qui confirme la légitimité de celui de 787, rétablissant officiellement le culte des images.
À partir du 11e siècle les ecclésiastiques s’accordent enfin pour reconnaître aux images un triple intérêt : décoratif, pédagogique et spirituel. Commanditaires, ils conservent la maîtrise de la thématique laissant aux artistes le choix de la technique. Témoignage émouvant d’un passé millénaire, ces œuvres exceptionnelles nous replongent dans le cadre et les mentalités de la société médiévale, une société où la foi et les croyances imprègnent les consciences.

Le temps : fresques et peintures murales du 12e au 16e siècle

Les 11e et 12e siècles marquent l’apogée de l’art roman, les 13e, 14e et 15e siècles l’émergence et l’épanouissement du style gothique. Ce n’est que dans la deuxième moitié du 16e siècle qu’apparaissent les prémisses de la Renaissance. La peinture romane est à la fois sobre, puissante et imprégnée de symbolisme. Elle se caractérise par une relative homogénéité chromatique : ocre, rouge, vert, noir de charbon et blanc de chaux. Les bleus sont peu utilisés car fabriqués à partir de produits très coûteux tel le lapis-lazuli.
Le graphisme, simple et naïf, reste pur et efficace, le cadre des scènes n’a que peu d’importance, seule compte la personne humaine. Les personnages ont des attitudes plutôt raides avec parfois des détails comme l’auréole qui soulignent volontairement leur importance. Les règles de la perspective ne sont pas respectées, tout est juxtaposé sur un même plan horizontal.
Le 13e siècle, le siècle de Saint Louis, est un temps d’épanouissement artistique. Les chantiers des cathédrales en sont la manifestation la plus spectaculaire. L’architecture développe de nouveaux volumes, la sculpture se déploie, les vitraux transfigurent la lumière. Tout cela rejaillit sur les peintures et l’éclat de leurs coloris. Mais cet élan qui se répand dans le royaume et plus particulièrement dans les villes, n’atteindra les vallées pyrénéennes qu’à la fin du 14e siècle.
À partir du 15e siècle l’épanouissement gothique amène un plus grand raffinement. Influencés par l’art du vitrail, les coloris sont plus éclatants et plus variés. Le trait s’affine, la perspective s’améliore, les mises en scène sont plus recherchées.
Le 15e siècle marque l’apparition des peintures sur bois qui nécessitaient une couche d’apprêt pour rendre le support lisse et non poreux. Dès lors, des peintures à l’huile sont utilisées sur les fausses-voûtes lambrissées, les œuvres réalisées gagnant en qualité et précision.

L’espace : une répartition réfléchie des peintures

Exploitant les volumes, la peinture murale fait corps avec l’édifice. Des motifs ornementaux vont d’abord souligner les lignes architecturales puis habiller et embellir les murs. Colonnes, arcs, ogives, entourage des baies sont soulignés par des bandes de couleurs décorées de motifs géométriques, végétaux ou animaliers.
Dès l’émergence du gothique, les sujets essentiels sont représentés dans le chœur, derrière l’autel, face aux fidèles, s’imposant à tous les regards.
Dans la nef, espace des laïcs, les artistes ont raconté l’Ancien Testament, la vie de Jésus et des récits hagiographiques. Le Jugement dernier occupe principalement le mur occidental, à la vue des fidèles dès leur entrée dans l’église, afin de les impressionner.
Les élévations latérales dès le 14e siècle sont souvent percées de larges baies et se prêtent moins à la réception de peintures. Les parties supérieures sont alors de plus en plus sollicitées. Dans les petites églises de village, toute la surface disponible est utilisée. Les voûtes deviennent des supports privilégiés à partir du 15e siècle. Elles se prêtent à merveille aux grandes scènes bibliques.

Le geste : des artistes itinérants

Jusqu’au 14e siècle, les peintures murales médiévales de nos églises de montagne demeurent anonymes, rien, ni signatures ni documents, ne permet d’en identifier leurs auteurs. Il s’agissait d’artistes itinérants, allant d’un chantier à l’autre, sur tout le versant nord des Pyrénées, mais aussi en Aragon et jusqu’en Catalogne.
Certains peintres travaillaient seuls, d’autres appartenaient à des ateliers sous la conduite d’un Maître. Ils exerçaient très souvent leur talent dans plusieurs édifices religieux. Les similitudes dans le dessin, les couleurs et la composition des tableaux permettent de suivre leurs itinéraires. Quelques uns ont signé leurs œuvres gagnant en notoriété.
Dans le Louron, l’artiste le plus célèbre est sans nul doute le Commingeois Melchior Rodigis (ou Rodiguis). Un bail à besogne de 1564 permet de lui attribuer les peintures de la nef de l’église de Mont. Il dirigeait vraisemblablement un atelier qui a participé à la décoration de plusieurs édifices. Ses travaux sont reconnaissables à la réunion face à face de deux personnages déployant des phylactères et reposant sur un tapis de nuages. Les scènes sont très souvent entourées de bordures composées de plusieurs bandes décorées de motifs variés.
Un autre peintre est intervenu dans l’église de Mont à la fin du 16e siècle en décorant la chapelle Notre-Dame-des-Gays, l’élévation extérieure sud et l’oratoire Sainte-Catherine. Une inscription en gascon, à l’intérieur de ce dernier permet d’identifier le nom supposé de l’artiste : P. Bona.
En vallée d’Aure, seule l’église Notre-Dame-de-Sescas de Bourisp connaît l’un des peintres qui l’a décorée. Il s’agit de Ramond Sabatier dont le cycle de la Passion couvre les murs du bas-côté comme l’indique l’inscription suivante « LES FIGURES DE LA PASSION DE JESUCH FAITES EN L’ANNEE 1589 PAR MOY RAMOND SABA(-) ».
Comme pour Melchior Rodigis, le style et la composition des œuvres de Ramond Sabatier permettent de suivre l’itinéraire de son atelier. Ses portraits sont précis, en buste, portant barbe et turban, entourés de nuages, les yeux et la bouche tracés en quelques lignes noires.
Dans l’église Saint-Félix-de-Valois d’Aulon les peintures sont l’œuvre de deux artistes qui ont officié à deux époques différentes. Le décor le plus ancien, datant du 16e siècle, est celui du cul-de-four associant le Christ en majesté aux quatre évangélistes accompagnés de leurs symboles. Exécutés dans une délicate harmonie de vert, d’orange et de marron, les évangélistes d’Aulon séduisent l’œil par le raffinement des gestes et l’ampleur des plissés. Le nom de ce peintre aurait pu être connu si l’inscription « la peinture a été faite… », contenue dans un médaillon au-dessus de la porte de la sacristie, n’était en partie effacée.
Bien d’autres artistes ont apporté leur talent et leur foi de manière anonyme, toujours avec passion et dévouement.

Si la Bible m’était contée...

Au Moyen Âge et jusqu’au 16e siècle l’ensemble de la population est analphabète. Les peintures murales, outre la décoration, vont avoir un but pédagogique évident. Ce sont des tableaux didactiques où les personnages sont mis en scène dans de courtes histoires pour enseigner l’Ancien et le Nouveau Testament.

Le livre compte 118 pages + le guide et 280 photos.

Jacques Brau






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