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ANDRÉ ETCHELECOU *. LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE SUPPOSE UNE REMISE EN CAUSE GÉNÉRALE

Propos recueillis par Christian Seguin et parus dans le journal Sud-Ouest du 29 octobre 2007. (Parmi les divers points abordés, certains mériteraient développement…)

« MAIS QUE FAIT L’ÉTAT ? »

« Nous regarderions différemment le changement climatique s’il n’était associé à la pollution et à l’énergie. Le problème majeur est dans la synergie de ces éléments. Nous avons donc dans le Sud-Ouest le mauvais exemple. Avec Biriatou d’un côté, le Perthus de l’autre, et le passage des 8 000 camions par jour. Nous expérimentons grandeur nature les effets directs de la pollution sur le climat. Interrogeons-nous. Pourquoi ne mangeons-nous pas des tomates de Marmande ou, d’ailleurs, des tomates de proximité, plutôt que du sud de l’Espagne ? Au lieu d’avoir des poires qui arrivent du Chili ou d’Argentine par cargo puis camion, n’est-il pas urgent de raccourcir la distance entre la production et la consommation, tel qu’on le faisait autrefois ? L’évidence n’est-elle pas que le produit lointain doit voyager par voie ferroviaire ou maritime ?

La lutte concrète contre le réchauffement est dans cette impasse. La prise de conscience collective est une chose. Le système de décision inadapté en est une autre. A Biriatou, cela fait quinze ans que l’on aligne les colloques. En France ou en Espagne, les élus locaux et régionaux sont d’accord pour dire que nous devons favoriser un transport ferroviaire. L’Europe est prête à financer. Mais le décideur, l’Etat, a toujours refusé d’assumer la situation. Le plus étonnant est que les Conseils régionaux d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées ont payé des études sur la faisabilité. Nous avons besoin d’une politique de transports combinés. Faire venir les camions au ferroutage suppose des prix attractifs et un service fiable. Le changement climatique est très révélateur de dysfonctionnements généraux. »

Le scénario de l’impossible. « Pour le transport, les solutions techniques existent, mais sans décision politique, sachant qu’il faut arriver à trouver un remède au fonctionnement même de la SNCF. Lorsque vous demandez aux chargeurs pourquoi ils n’utilisent pas les trains, ils répondent : parce que ça va moins vite, que cela coûte peut-être plus cher et que l’on n’est pas certain d’arriver à l’heure. Pendant ce temps, on ne compte plus les projets de suppression de gare... Contrairement aux idées reçues, le trafic routier est plus important dans l’ensemble des Pyrénées que dans les Alpes. 20 000 camions traversent chaque jour. Une croissance linéaire qui nous rapproche du "scénario de l’impossible" évoqué par l’Etat dans le contournement de Bordeaux, avec 40 000 camions en 2020.

Les stations de ski entrent dans la même réflexion. S’il est difficile d’imaginer en France des créations supplémentaires, ce n’est pas le cas en Espagne. Nous avons une catastrophe à Formigal, de l’autre côté du Pourtalet. Une banque espagnole a investi dans une zone touchant le Parc national. La France n’a pas eu l’étude d’impact. C’est construit dans l’illégalité. En assez basse altitude, tout le monde ne survivra pas au réchauffement. Entre 1 400 et 1 800 mètres, il y aura des variations importantes d’une année à l’autre. Pour pallier cette absence d’enneigement, les stations s’équipent de canons. Ce qui exige une alimentation en eau par captages. A Gourette, on a refusé de puiser dans le lac d’Anglass pour pomper l’eau du bas de la station. Et en même temps on veut réaliser un projet immobilier d’au moins 2 000 lits de plus. Il y a une logique collective d’entreprise. Comment s’opposer à l’argent, à la quête de pouvoir ? Même dans le Parc national et je lutte , il faudrait favoriser les pistes et les routes de tous côtés, au motif que les bergers doivent vivre comme les autres.

Autre constat : on ne fait plus de formation en sciences naturelles, mais de la microbiologie. Ce n’est plus la nature, ce sont des cases, avec des pièces à remplacer. Et s’il faut écouter les écologistes, ce n’est pas pour autant que nous avons des solutions. »

Une forme d’inconscience. « L’écocitoyenneté est plus urbaine que rurale. Or, le citadin va vers la nature pour chercher un confort. Le danger, c’est que l’on s’adapte à ses désirs pour modifier le milieu. Je ne blâme pas les élus de campagne qui ont d’autres soucis avec le maintien des populations et l’emploi, mais ils ne sont pas attentifs à cette spirale. Il y a une forme d’inconscience à ne pas préserver un patrimoine fantastique. En vallée d’Aspe, les ours ont été flingués, les camions se multiplient, l’entreprise Toyal de pâte d’aluminium pose problème et une porcherie de 2 000 têtes veut s’installer à l’entrée. L’Etat n’affirme pas sa compétence auprès de tous les échelons territoriaux. S’agissant des enjeux fondamentaux de développement durable, il est seul à pouvoir donner une cohérence.

Sur toutes ces notions, l’administration doit retourner à l’école. Elle n’a pas fait les mises à jour. Il se passe des choses étranges. L’air pur des montagnes, par exemple, n’est pas si pur que cela. Des phénomènes physico-chimiques déposent là-haut des polluants venus de la plaine. Je suis inquiet parce que l’Etat n’a pas une claire appréciation de la réalité. Ses propres services accordent trop d’importance aux espèces emblématiques l’ours, le gypaète barbu par rapport à la nature en général. C’est d’autant plus alarmant que ceux qui habitent ces lieux n’ont pas conscience de posséder un trésor. Localement, le réchauffement climatique n’existe pas. Chacun a eu sa neige, les canons ont fonctionné, les skieurs sont venus. Tout le reste, c’est à la télé. »

*Président du Conseil scientifique du Parc National des Pyrénées

Mis en ligne le mardi 30 octobre 2007.






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