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Lu dans Pyrénées

La protection de la montagne, par Raymond Ritter


N’est-ce pas (aussi)
LA PROTECTION DE LA MONTAGNE ?

Dans son éditorial du livret du Comité régional de ski des Pyrénées-Est, le président de cet organisme, M. René Vanvincq a écrit ceci, qui s’adresse aux promoteurs de nos stations de sports d’hiver :

"... De grâce, Messieurs, ne massacrez pas nos montagnes ! Construisez soit, mais construisez sobre, logique, agréable, en respectant le style et le goût pyrénéen. Que les fermes et les vieilles demeures de nos vallées soient vos meilleurs modèles. Que la pierre, le bois, l’ardoise, soient vos matériaux préférés. Inspirez-vous de leur simplicité, de leur chaleur, de leur douceur.

" De grâce, pas d’urbanisation à outrance, pas de H.L.M. des neiges, pas de pylônes pléthoriques, pas de routes superflues...

" Tous les skieurs pyrénéens vous remercient à l’avance de vouloir bien respecter l’environnement qui leur est si cher, pour que survive, malgré notre civilisation débordante, le vrai ski aux Pyrénées."

Bravo ! On ne saurait mieux dire, ni avec une indépendance plus exemplaire, ni avec un courage plus méritoire. Mais n’est-il pas bien tard pour le dire, et peut-être trop tard ?

Si elles peuvent faire illusion quand cette magicienne, l’entreprise Hiver, Frimas et Cie, étale ses neiges sur leurs toits et festonne leurs corniches de stalactites de glace, nos stations de ski, vues sous la lumière impitoyable de l’été, révèlent leur désolante laideur. Ce n’est pas une consolation de penser que celles de nos Alpes et des montagnes étrangères ne valent pas mieux. Là comme ailleurs règne l’inepte standardisation qui dispense de tout effort nos sous-Le Corbusier . Le virus est si puissant à l’heure qu’il est que les revues comme "Connaissance des Arts" en sont arrivées à présenter, avec des commentaires grotesquement laudatifs, des photographies à pleine page de ces façades en accordéon ou en étagères qui font l’orgueil de Courchevel et autres Alpe-d’Huez.

Ce mal est déjà si grand que l’on peut se demander à quoi riment encore des débats sur la protection de la nature en montagne comme celui qui a été engagé et s’est si largement développé ici même. Osons regarder la vérité en face - et surtout la dire : est-ce que ces entassements de ciment vite décrépis, ces bois dévernis ces atroces bariolages, et toute cette ferraille de mécaniques dont l’escalade s’accentue sans cesse, ne sont pas autrement offensants que les routes ? - sans que pour autant, précisons-le, nous entendions défendre systématiquement la prolifération de ces dernières.

Que l’on veuille bien considérer que, du reste très logiquement, les stations projetées de sports d’hiver cherchent à s’implanter toujours plus profondément et plus haut. Ce qui signifie qu’elles seront au voisinage de partout, visibles de partout, hélas ! Bientôt, sans doute, parce que la zone de notre Parc national est trop étroite ou parce que l’honorable M. Pisani a eu le stylo incontinent, nous aurons ici un incroyable entassement de béton, là - au cœur du P.N. - des "installations légères" - qui le seront très vite beaucoup moins...

Ces lignes ont été écrites dans Pyrénées par Raymond Ritter dans le n° 91 de juillet-septembre 1972,

Mis en ligne le mercredi 14 décembre 2011.







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