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Hommage à Jean-Victor Parant

HOMMAGE À JEAN-VICTOR PARANT


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J.V. Parant en 2014 au salon de Saint-Lary. Photo D. R.

Jean-Victor Parant était le doyen des pyrénéistes et une grande figure, très dévoué à notre revue.
Florian Jacqueminet lui a rendu, dans notre numéro 267, l’hommage qui lui était dû.
Le texte que l’on va lire a été écrit par Claude Dendaletche, qui l’a bien connu, et apporte des éclairages complémentaires sur la vie et la personnalité de Jean-Victor ; il nous a donc semblé judicieux de le proposer aux internautes, avec l’accord de l’auteur.

Jean-Victor Parant (1910-2016), pyrénéiste centenaire

Quand on le rencontrait, dans la pièce étroite hébergeant sa bibliothèque et sa documentation pyrénéiste, chez lui à Billère ou, autrefois, à la Librairie des Pyrénées à Pau, où il se rendait à pied depuis son domicile, la conversation revenait très vite vers Arlaud et le G.D.J., le Groupe des jeunes que ce dernier avait fondé, et laissé orphelin à son décès aux Gourgs Blancs en 1938.

Son bel ex-libris comporte d’ailleurs, sur fond d’Aneto, l’emblème connu du G.D.J., mais aussi celui du C.A.F. et celui de Pyrénea Sports, en sus de l’inévitable piolet du montagnard. Tout un programme et un résumé suggestif de la vie de celui qui dépassa en longévité Luc Maury (1909-2011), l’autre centenaire récent de la cordée des pyrénéistes très actifs, tant en écriture qu’en amitiés montagnardes comme disait aussi Raymond d’Espouy, autre paladin pyrénéen.

L’ancrage pyrénéen de la famille Parant résidait dans la grande bâtisse des Thermes de Siradan, en Barousse, acquise jadis par le grand-père, angevin d’origine. Le père, médecin aliéniste, y réunissait les fins de semaine ses neufs enfants puis leurs familles. Celui-ci, volontiers clanique dans sa conception d’une famille montagnarde, organisait à partir de ce camp de base bruissant de bruits d’enfants puis d’adolescents, des sortes de camps itinérants, en particulier en Vallée d’Aure mais aussi vers Font-Romeu. Jean-Victor, sans doute comme ses cousins, fut hissé sur des skis à partir de l’âge de trois ans. La grand-mère pouvait accueillir de trente à quarante petits enfants avec leurs parents. C’est dire que dès le départ Jean-Victor baigna dans un bain social familial important et dans une pratique montagnarde active. Le samedi, une cohorte, sandales de cordes au pied et une musette en bandoulière contenant le nécessaire pour la montagne, partait de la maison. Mais le dimanche comprenait obligatoirement l’assistance à la messe. Ce que notre centenaire m’indiqua clairement : “J’allais toujours en montagne le samedi, jamais le dimanche à cause de la messe ! Arlaud organisait les collectives du C.A.F. le dimanche, je n’y suis jamais allé ...”

Dans un long article publié dans cette même revue Pyrénées (n° 160, 1989), Jean-Victor narre ce qui fut : “Une académie familiale de pyrénéisme”. Il nous y fait connaître les rites et les mœurs montagnardes de cette grande famille. Lorsque la grand-mère mourut à 94 ans, la cohésion ne fut plus assurée et chaque élément familial évolua à sa guise.

Jean-Victor s’était inscrit au C.A.F. en 1931, ce qui ne plut guère à son père qui pensait que le club enlevait les enfants à l’autorité de leur famille. Ce père souhaitait une carrière médicale pour son fils mais celui-ci choisit le droit et, s’il fut docteur, ce ne fut pas en médecine. Sa thèse, qui fut publiée, porte le titre suivant :
Le problème du tourisme populaire. Emplois des congés payés et institution de vacances ouvrières en France et à l’Etranger. Préface de M. Maurice Byé, Professeur à la Faculté de Droit de Toulouse. Toulouse, Les Frères Douladoure, Imprimeurs, 39, rue Saint-Rome. 1939, in 8°, XI-236 p.

Après son mariage, son beau-père lui trouva un poste de direction de la Clinique de l’Alma, à Paris. Il y resta deux ans et commença une expérience d’escaladeur des rochers de la Forêt de Fontainebleau, pratique qui ne lui faisait guère oublier ses Pyrénées. Il y revient alors assez vite près de Pau, en 1954, pour y monter une clinique de soins post-opératoires. Marcel Joly (surnommé Beroy), rencontré à Paris, lui avait fait alors connaître Pyrénea, créé en 1939 par Simon et Suzanne Bacarisse. Il peut désormais rejoindre plus commodément et activement la grande famille de Pyrénea.

Son œuvre pyrénéiste reflète son souci de rendre compte de l’activité d’entités auxquelles il prêta généreusement son concours, sans aucunement chercher à en être un leader. Sa bibliothèque est surtout documentaire et aucunement bibliophilique. Elle illustre quelles furent ses relations personnelles avec des hommes tels Arlaud, Raymond d’Espouy, Brulle. Avec les années, il finit par avoir une connaissance très précise des comportements humains, particulièrement en ce qui concerne l’animation des revues pyrénéistes : Altitude, Bulletin pyrénéen, Pyrénées, etc.
 
L’apport à Pyrénées.

Installé à Paris, il écrit le 18 novembre 1951 une longue lettre à Raymond d’Espouy, accompagnant “le texte pour le bulletin”. Il y consigne divers commentaires : “... les parisiens s’intéressent fort peu aux Pyrénées. Leurs préoccupations sont la sortie du Dimanche et la sortie des vacances soit dans les Alpes, soit dans les Pyrénées, ces dernières étant plus éloignées. Le G.D.J. n’est pour eux qu’un symbole : symbole des souvenirs de jeunesse et symbole de la camaraderie que l’on a connue dans les camps.” Il y aborde surtout la « question Pyrénées-Altitude ». N’oublions pas que Pyrénées a, depuis 1950, pris le relais du vieux Bulletin pyrénéen et que Raymond Ritter en a pris possession comme rédacteur en chef omnipotent. Il conclut : “ Altitude est moribond pour des raisons financières tandis que Pyrénées qui a des assises financières fort solides est d’une nullité écœurante ... Seul le souvenir du Bulletin pyrénéen m’a empêché de me désabonner. “ Devant l’absence de la montagne dans le Pyrénées de Ritter, il propose une fusion Altitude-Pyrénées, fusion dans laquelle “on ne garderait Ritter que dans la mesure où il voudrait bien collaborer.”

Cette remarque explique sûrement que la collaboration de Parant avec Pyrénées se développe surtout après Ritter. Ses articles de 1955 et 1966 concernent la disparition de son ami Raymond d’Espouy et la sortie des carnets d’Arlaud. Les trente autres articles qu’il y publie entre 1978 et 2004 comprennent des hommages à diverses personnalités (Marcel Parant, Jean Escudier, Jean d’Ussel, Henri Brulle, Jean Arlaud, Jean Lescamela, les Bacarisse, Jeannel, Robert Ollivier) et des articles informatifs.

Son article de 1982 (n° 129), intitulé : d’Henri Beraldi à Jean Arlaud, est particulièrement intéressant. Le premier mourut en 1931 et le deuxième en 1938 et ils se rencontrèrent sûrement par l’intermédiaire de Brulle et d’Espouy. De cette relation de sept années, il reste le témoignage d’une correspondance de vingt-quatre lettres de Beraldi, confiée à Parant par le Dr Jean de Coste, alors président de la section des Pyrénées centrales du CAF et qu’il a ensuite données au Musée pyrénéen de Lourdes. On y voit le détail de la genèse de l’édition de certains textes pyrénéistes dans le Bulletin de la section : le discours de Darcet au Collège de France, les Observations sur les Alpes de Ramond, les Carnets de Brulle, et leur tirage à part ultérieur.

Dans cette même veine de publication, on peut ranger son Essai d’histoire du pyrénéisme (1992, 19 p.), précieux aide-mémoire de l’essentiel des phases du pyrénéisme, publié par l’auteur en autoédition.

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À Lourdes en 2007 pour l’assemblée générale des amis du musée pyrénéen

 
L’œuvre majeure.

Il s’agit bien entendu du gros livre, publié sous le patronage du C.A.F. : Jean Arlaud et le Groupe des Jeunes (1913-1964). Un âge d’or du Pyrénéisme toulousain. (1991, 420 p.).

La phrase mise en exergue, tirée d’un de ses propres écrits publié dans la revue Altitude n° 12, résume bien son esprit montagnard : “Longtemps, j’ai cru au rôle moralisateur de la Montagne en général et des Pyrénées. Longtemps, j’ai parcouru toutes sortes de routes connues et inconnues, participant suivant mes possibilités à l’exploration plus ou moins acrobatique de cette chaîne dont la découverte est loin d’être terminée. Comme mes camarades, j’ai eu foi dans l’effort, dans la recherche patiente des voies nouvelles, dans les longues randonnées loin des chemins battus qui nous amenaient parfois à une victoire sur la montagne, souvent à une victoire sur la fatigue, le mauvais temps, sur nous-mêmes. C’était pour nous l’âge d’or du pyrénéisme.”

Ce riche ouvrage documentaire est depuis longtemps un classique du pyrénéisme.

 
Un montagnard avenant.

La sociabilité de Jean-Victor Parant fut soulignée lors des obsèques le 18 mars 2016 à Billère par Xavier Basséras, ancien président du CAF de Toulouse, qui lui avait remis en 2010 pour ses 100 ans, la médaille d’or du Club : “84 ans de fidélité active au sein du Club alpin français, carte de membre à vie n° 1 du CAF de Toulouse, c’est sans doute un record difficile à égaler.” Il souligne aussi son dévouement : “Eternel secrétaire du GDJ, tu as poursuivi la tradition des camps d’été où, après avoir coiffé d’abord la toque du cuisinier, tu as pris ensuite les rênes de la direction. Grâce à toi, depuis 1925, ce camp n’a été interrompu qu’une seule fois ... l’année où il a fallu te remplacer !”

Sa disponibilité d’esprit envers ses jeunes confrères s’exprimait aussi par la communication des informations contenues dans sa documentation personnelle, servie par une excellente mémoire.


 
Ses livres pyrénéens.

Le premier livre qu’il acheta fut les Observations dans les Pyrénées... de Ramond, qu’il acquit pour 80 F. chez Balaran, rue du Taur à Toulouse. Son exemplaire des Cent ans aux Pyrénées de Beraldi fut d’abord celui de Marcailhou d’Aymeric. Montagnard avant tout, il possédait bien entendu les deux épais volumes du Grand-Carteret : La montagne à travers les âges. L’exemplaire des 16. 000 lieues ... de Russell, fut celui de Tyndall, portant un bel envoi de Russell : To Professor Tyndall with the autor’s compliments and kind regards. London, May 1st 1869.

On pouvait noter aussi dans sa bibliothèque des éditions originales classiques : Saint-Amans (relié avec un texte sur Linné), Charpentier, Dietrich, Ramond (Le Mont-Perdu) Hardy, Dralet, et aussi les ouvrages de Gourdon, Saint-Saud, Le Bondidier, Parrot, Tonnellé (édition Gazagne et édition Beraldi). Son exemplaire de Ascensions de Brulle porte le n°11 et, comme il convient, les signatures de ses amis Fourcassié et d’Espouy.

Soucieux de documentation, il possédait aussi la liste des souscripteurs de Ascensions. Il avait aussi récupéré à la mort de son frère son fichier pyrénéiste, très riche d’informations. La série complète d’Altitude, Revue du pyrénéisme, était bien sûr présente ainsi que la collection des fascicules de Sac et de corde (titre dont il fut l’inventeur), dont les premiers sont ronéotés. Il vous apprenait aussi que les feuilles complémentaires de Ascensions (que Brulle avaient gardées pour en empêcher la diffusion !) furent imprimées à l’Imprimerie ouvrière, 6 rue Bayard à Toulouse. Faut-il ajouter que tout ce qui concernait Arlaud était plus que présent !

Il avait aussi une affection et une connaissance très approfondie de l’œuvre pyrénéenne du toulousain Lapeyrouse, dont il rappelait en outre qu’il avait mis en place les pavés, le tout à l’égout et suscité l’intérêt alimentaire pour la pomme de terre. Après la lecture du tome 1 de Pyrénées. Guide bibliographique illustré (2005), où j’avais publié un dessin représentant Lapeyrouse, il m’avait écrit pour me demander où j’avais bien pu trouver ce document, qu’il cherchait depuis longtemps. Ceci montre bien que sa curiosité était toujours en éveil et qu’il conservait toujours une affection certaine pour la ville de Toulouse et sa place dans l’exploration pyrénéiste.

Claude Dendaletche







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