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N° 227

N° 227


Rendez-vous avec Le Bondidier à Crabounouse

N° 227 - 2006

Couverture : P. 1 : Depuis le sommet du Pic de Crabounouse,
vue sur le lac Tourrat et le Néouvielle.
(Photo. R. Bourbon).


 


 

SOMMAIRE

227 - ÉDITORIAL - Louis Lanne

229 - RENDEZ-VOUS À CRABOUNOUSE AVEC LE BONDIDIER - Romain Bourbon et une cordée de Pyrénées

249 - FRANÇOIS DE FOIX-CANDALE AU PIC DU MIDI D’OSSAU - Michel Record-Cazenave

263 - LES SECRETS DU PAU-GOLF-CLUB - Jean-François Bège

269 - À PROPOS DU MONT-PERDU - Jean Ritter

281 - LE PIN CEMBRO DANS LES PYRÉNÉES - Michel Bartoli

285 - ARS, LA REINE DES CASCADES - Gérard Raynaud

291 - INSTRUMENTS DE DÉCOUVERTE OU ALIBI ? LE BAROMÈTRE À L’ASSAUT DES PYRÉNÉES ! IIe partie - Alain Bourneton

307 - BIBLIOGRAPHIE PYRÉNÉENNE

LA BIBLIOTHÈQUE FRANÇOIS FAURE AU MUSÉE BASQUE DE BAYONNE - Claude Dendaletche

315 - CHRONIQUES - Louis Laborde-Balen

ÉDITORIAL

Louis LANNE

À la recherche du temps perdu

Romain Bourbon n’est certainement pas le premier à découvrir sur un sommet l’une de ces boîtes qu’Ils déposaient jadis pour recueillir les inscriptions des « voyageurs de passage ». Le fait devient rare. La chance de faire de telles trouvailles s’amenuise depuis que les « voyageurs » sont devenus foules et que l’état d’esprit des nouveaux conquérants a rejeté cette pratique trop élitiste et prétentieuse à leurs yeux. Dès lors que la montagne est à tout le monde, point d’appropriation individuelle.

Il faut donc fréquenter les sommets oubliés malgré leurs 3 008 m comme le pic de Crabounouse, promontoire d’où le panorama se développe à l’horizon sans fin, ou bien accéder à ces cimes réservées aux montagnards d’exception pour découvrir encore une de ces reliques-témoignage.

Ainsi Jean et Pierre Ravier nous racontent que, parvenus au sommet de l’Aiguille du Fourcau lors d’un « vagabondage du côté des Posets », ils connurent cette émotion rare en retrouvant la carte qu’Henri Brulle avait déposée là quelque soixante-neuf ans auparavant, un 3 juillet 1914, et au dos de laquelle Jean Arlaud, en 1927, marquait son passage et celui de sa cordée. La petite boîte à cigares rouillée est restée au sommet de l’aiguille du Fourcau. Y est-elle toujours ?

Romain Bourbon a, quant à lui, décidé de sauver le carnet de Le Bondidier à Crabounouse, aux feuilles souillées par l’humidité et la rouille et de le rendre à son auteur c’est-à-dire, aujourd’hui, au Musée Pyrénéen de Lourdes. C’est chose faite. Puis, en septembre, il ira, accompagné par les siens, au sommet du Crabounouse en déposer une copie, et un crayon à papier neuf, dans une nouvelle boîte inoxydable.

Entre-temps, il aura permis, en nous confiant son récit, de renouer avec l’histoire du pyrénéisme et d’écrire tous ensemble un nouveau chapitre.
Le décryptage des trois pages remplies par les « voyageurs » a suscité un véritable engouement parmi nos lecteurs-auteurs qui se sont lancés dans une enquête, collectivement, et dans une démarche coopérative, alors que tout un chacun est d’ordinaire plus enclin à jouer en solo…

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Louis Le Bondidier, tiré de "Louis Le Bondidier pyrénéiste, sa vie, son œuvre" par Robert Bréfeil, Pau, Marrimpouey Jeune, 1946

Qui était Le Bondidier en 1907 ? Avait-il pour habitude d’ouvrir un carnet au sommet de chacun des pics qu’il ascensionnait et répertoriait ? Geneviève Marsan ouvre cette « petite chronique d’un carnet de sommet » en resituant le personnage dans le contexte temporel tandis que Dominique Rossier, qui remue les archives et annuaires du CAF à Paris, a retrouvé chez Lucien Briet la localisation de ce sommet qui n’a jamais attiré les foules sinon ceux qui savent lire le paysage pour repérer d’emblée ces promontoires où s’épanouissent les visions panoramiques, bonheur du montagnard.

Gérard Raynaud et Silvio Trévisan ont localisé les guides Henri Soulé, accompagnateur fidèle de Le Bondidier, et Cayré, le premier « tenençier » de Bayssellance, droit et fier devant « son » refuge, serviette blanche sur l’épaule, carte des consommations à la main.

Au fil des pages du carnet, passent les années et le siècle. Apparaissent les
« voyageurs » encore vivants tel le palois Raphaël Aris, beau-frère de feu Bernard Blanchet dit « Ben », que Jean Verdenal rencontre à Pau.

Page 3 du carnet : « 11 août 1958, par un temps très beau le matin, se couvrant de gros cumulus mêlés de cirrus et mer de nuages dans la plaine, le Groupe de Physiologie Végétale de la Sorbonne et Comité scientifique du CAF »… une pléiade d’hommes et de femmes « Pierre Chouard, professeur à la Sorbonne ».

L’inscription est d’une autre dimension. Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils là ? D’où venaient-ils et où allaient-ils ? Étaient-ils en mission officielle ? Etc…

Après les auteurs déjà cités, Marcel Saule, Claude Dendaletche et Jean Ritter entrent en scène pour évoquer la personnalité de Pierre Chouard, grand nom de la botanique et de la physiologie végétale et organisateur de cette excursion au Crabounouse à l’intention de ses jeunes élèves sorbonnards et par ailleurs cafistes.

Jean Ritter en apporte la preuve qui a retrouvé trois des participants à cette excursion. Il a recueilli leurs toutes premières réminiscences. Des souvenirs plus précis et développés suivront dans un prochain article que Jean Ritter nous réserve et qui en accompagnera un autre sur Pierre Chouard à partir de documents fournis par Marcel Saule, Claude Dendaletche et par tous ceux, nous les y invitons, qui ont connu Pierre Chouard, créateur de la réserve du Néouvielle et contemporain de Gaussen.

Ce « Rendez-vous avec Le Bondidier à Crabounouse » n’est donc que le premier chapitre d’une belle tranche d’histoire qu’il faut écrire. La revue n’est-elle pas faite pour ça ?

Mais ce n’est pas l’arbre qui cache tous les autres articles enrichissant ce numéro.

Les chercheurs historiens vont se passionner à la lecture de l’article de Record-Cazenave qui a exhumé à la Bibliothèque Nationale un récit plus ancien que ceux,
apocryphes, sur lesquels les historiens jusqu’ici se fondaient. Son exégèse lui permettrait d’affirmer que François de Foix-Candale est bien parvenu au sommet de l’Ossau et non plus « à proximité » comme on le pense généralement. Découverte capitale qui va peut-être susciter quelque pacifique querelle d’experts…

Les secrets se cachent dans les trous. Le golf est un sport de trous. Donc le golf a ses secrets… Le Pau-Golf-Club n’y échappe pas. Jean-François Bège, palois d’origine et de cœur, golfeur non classé (encore), connaît tous les secrets des dix-huit trous de Billère. Il accomplit ici un parcours sans faute, plein d’humour jubilatoire, à l’occasion du cent cinquantième anniversaire du « plus vieux golf du continent ».

Le Pin Cembro pousse lui aussi dans nos montagnes, avatar historique mis en lumière par Michel Bartoli qui a désormais tout son temps pour cultiver son jardin en « Pyrénées ».

Saluons enfin les efforts conjugués de Gérard Raynaud et d’Alain Bourneton aux somptueuses photos pour annoncer l’exacte altitude de la quatrième des plus hautes et plus belles cascades, celle des Ars, la Reine des cascades bien nommée.

« Ceux qui s’en vont à la recherche du temps perdu n’ont point le visage tourné vers le passé… Ils marchent à l’avenir » . (Alain, I, Propos).

LE CARNET LE BONDIDIER

“Pyrénées” a mené l’enquête

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La page 1 du carnet.
(Photo J. Marchadier)

Retrouvons donc le temps perdu partagé ici par toute une cordée d’auteurs de la revue derrière Romain Bourbon “inventeur” du carnet de passage ouvert par Le Bondidier au sommet du pic de Crabounouse. Passionnante aventure historique, littéraire et humaine. Elle ne s’arrêtera pas là et se prolongera dans les numéros à venir par une plus grande connaissance des “passagers” tel Pierre Chouard botaniste et physiologiste qui aima les Pyrénées leur consacrant de longues saisons de sa vie…

Louis Le Bondidier n’est pas bien sûr étranger dans la démonstration de Michel Record-Cazenave qui s’emploie à répondre à la question de savoir si François Foix-Candalle est réellement parvenu au sommet de l’Ossau en 1552. Question-réponse quasiment décisive pour l’histoire de l’Ossau mais aussi du pyrénéisme…
Michel Record-Cazenave a fouillé la Bibliothèque Nationale, retrouvé le texte original des mémoires posthumes de Thou éditées en latin en 1620… et découvert in fine une funeste erreur de traduction de ce texte entraînant celle de... Le Bondidier : d’après Michel Record-Cazenave, il est écrit que François de Foix-Candalle a bien atteint le sommet et que ce fait étant établi, il a été le premier au sommet de “Jean-Pierre” grâce aux paysans ossalois qui l’accompagnaient “parce qu’ils savaient les chemins...” C’est donc qu’ils y étaient déjà allés…

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Les secrets du Pau-Golf Club

S’il manie son putter comme la plume, Jean-François Bège doit être un champion de golf ! À l’occasion du cent cinquantième anniversaire du premier golf du continent européen, l’auteur dévoile quelques uns des (petits) secrets bien gardés sur la création du dix-huit trous de la capitale béarnaise. Ainsi la bonne société paloise a toujours préféré que l’on oubliât la… philosophie des créateurs, officiers écossais venus en Béarn au service de Wellington et revenus à Pau pour la beauté de son ciel et la douceur de son climat, connus pour leur appartenance et initiation aux loges maçonniques de l’Écosse. Initiés, ils l’étaient aussi aux règles du golf qu’ils avaient édictées et qu’ils imposaient sur tous les parcours du monde.

“Quelques clubs à travers le monde pratiquent d’ailleurs toujours en matière d’admission de nouveaux membres la méthode maçonnique des boules blanches et noires recueillies dans une urne. Une seule boule noire à propos d’un impétrant suffit à l’envoyer voir ailleurs. Ce qui a donné en français courant, le verbe “blackbouler”...” Irrésistible. mon cher Jean-François !

DU MONT-PERDU À LA BIBLIOTHÈQUE DE FRANÇOIS FAURE

De la fameuse carte du Mont-Perdu établie par Schrader en 1874 à la bibliothèque de François Faure en passant par l’histoire de l’utilisation du baromètre à mercure en montagne, Jean Ritter, Claude Dendaletche et Alain Bourneton prolongent le rendez-vous avec Le Bondidier, le Musée Pyrénéen et tout simplement l’histoire du pyrénéisme.

Jean Ritter exhume cette carte “mythique” -à vrai dire elle est fort belle– occasion pour lui de préciser toutes les données historiques de son établissement et de sa publication à l’époque. Occasion aussi pour relater sa dernière ascension au Mont-Perdu, cent trente ans plus tard. L’âge n’a aucune prise sur notre auteur, sur son “alacrité”, les ans passent et il continue d’enchaîner les ascensions qui deviennent alors des performances. Ainsi est-il parti à la recherche du Mont-Perdu lors d’un grand tour le menant de Gavarnie aux Sarradets, à la Brèche, à Goriz, au sommet enfin et retour par Millaris, la Brèche et le col de Boucharo. Trois jours qui laissent le temps de tout voir : et la disparition accélérée des glaciers et névés et l’augmentation continuelle des ascensionnistes.

En d’autres temps, que raconte Alain Bourneton , ils gravissaient le mont le baromètre à mercure en bandoulière… L’auteur poursuit et achève cette épopée scientifique qui a marqué l’histoire de la découverte du pyrénéisme tout au long du XIXe siècle. (cf. La première partie de cet article, n° 226). Lorsqu’il atteignait enfin le sommet du Mont-Perdu le 10 août 1802, Ramond de Carbonnières était déjà équipé d’un baromètre. Observations faites il en avait communiqué les résultats chiffrés à Dangos professeur de mathématiques à l’école centrale de Tarbes. “Erreur de 10 toises” corrige Dangos qui rabaisse l’altitude du mont de 20 mètres…

Le baromètre à mercure aura malgré tout ses virtuoses tels l’ariégeois Dardenne ou plus encore Parrot qui “couvre” les Pyrénées de l’Océan à la Méditerranée réussissant malgré l’encombrement de l’engin et sa fragilité, la première du pic de la Maladetta…

Pour Alain Bourneton, le baromètre connaît un âge d’or dans son utilisation. Mais l’instrument scientifique et la détermination des altitudes ne sont-ils pas en même temps l’alibi et le prétexte pour justifier un esprit de conquête - sportive celle-là et un tantinet nationaliste - des sommets jusque là pas ou peu fréquentés, ni reconnus ni revendiqués ?

La réponse se trouve-t-elle dans l’un des cent et cent ouvrages de la bibliothèque de François Faure, monument pyrénéiste que nous fait découvrir Claude Dendaletche en bibliographie pyrénéenne ?
Même si cette bibliothèque “très différente de celle de Maury, moins riche numériquement que celle de Doazan, plus intéressante du seul point de vue strictement pyrénéiste que celle de Caillau-Lamicq”, remarquable par son homogénéité et qui aurait mérité d’être recueillie par le Musée Pyrénéen, est désormais conservée et protégée au Musée Basque de Bayonne où les chercheurs et bibliophiles peuvent la consulter. Claude Dendaletche effeuille son catalogue des plus riches.

Col rouge, aquarelle des officiers géodésiens.
(Photo Philippe Terrancle)


DU PIN CEMBRO À LA CASCADE D’ARS

Un peu d’histoire naturelle pour finir. Pour Michel Bartoli dénicher un pin Cembro “un intrus” n’est pas une affaire. Pourtant cet arole plus fréquent dans l’étage subalpin des Alpes internes est rare dans les Pyrénées. Comment y est-il parvenu et à quelle époque ?
“Il aurait pu venir de Nijni-Novgorod” affirme Michel Bartoli dont on admire au passage l’art de communiquer une information scientifique précise et complète comme s’il racontait une historiette. “Ridendo”, en souriant, il nous apprend tout sur ce “pinus cembra” qui a gagné sa place au soleil au sein des forêts pyrénéennes grâce aux efforts de l’homme et peut-être du casse-noix. Le casse-noix moucheté est le spécialiste incontesté des graines d’aroles dont il fait des réserves en les enfouissant dans l’humus assurant ainsi la perpétuation de la cembraie. Mais l’oiseau est-il indispensable à la cembraie ? Pas dans les Pyrénées où “le cembro est un témoin, une “modalité sans” c’est-à-dire qui se régénère sans casse-noix”. La cembraie du Péguère au-dessus de Cauterets en porte témoignage. Allez-y, le sentier qui y mène est aussi facile que célèbre…

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Cascade d’Ars, 250 mètres de chute.
(Photo A. Bourneton)

Tout comme celui qui depuis Aulus en Couserans Ariège, conduit jusqu’à la cascade d’Ars : “La reine des cascades” affirme Gérard Raynaud qui sort cette chute d’eau spectaculaire d’un étonnant anonymat. Russell, nous rappelle-t-il, lui avait donné pourtant ses lettres de noblesse. Chausenque ne cachait pas non plus son admiration. Joseph Ribas la célèbre dans “Mes Pyrénées”. Enfin Alain Bourneton, l’enfant du pays d’Aulus, s’est mobilisé pour convaincre M. Rossez maire de la station d’améliorer le sentier d’accès à la cascade et sa signalisation considérant qu’elle mérite plus que la confidentialité actuelle. Même qu’il a obtenu de l’édile que la hauteur soit exactement calculée parce que - outre sa beauté - la cascade d’Ars est la deuxième plus haute des Pyrénées, après celle de Gavarnie : 250 m de haut en trois degrés superposés. Une visite s’impose, cent vingt minutes de marche sans grande difficulté pour atteindre son sommet et la contempler dans toute son altière beauté.

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Lecture d’avenir

La lecture des “Chroniques” mérite qu’on y consacre quelques minutes. Par leur intérêt et leur richesse, elles apportent sur les grands sujets et évènements ayant marqué lors du dernier semestre l’actualité des Pyrénées, des réflexions des interrogations, un regard serein et distancié. Ces “Chroniques” montrent aussi que la revue enregistre, prend des notes et le recul nécessaire avant que de traiter ces grands sujets et autres questionnements, le moment venu pour des lectures d’avenir...

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